256 articles avec anthologie

LA VÉRITÉ VOUS RENDRA LIBRES

Publié le par christiane loubier

Tu es lampe, tu es nuit:
Cette lucarne est pour ton regard,
Cette planche pour ta fatigue,
Ce peu d'eau pour ta soif.
Les murs entiers sont à celui que ta clarté met au monde,
Ô détenue, ô Mariée!
 
 
 
René Char
Les matinaux

IL SAVAIT...

Publié le par christiane loubier

Il savait teinter d’amour les groseilles
Et tomates aux senteurs acidulées.
Le violet de ses œillets et pensées,
Fleurait un mystérieux parfum secret.
La Paix nichait sous le vieux pommier.

Il savait appeler merles et mésanges,
En lançant des miettes de patience.
Une musique d’oiseaux en ritournelle
Coloriait la douceur de l’air tiède.
Les papillons semaient leurs couleurs.

Il savait planter les fleurs du bonheur,
Les arrosait d’une pluie de soleil.
Je remplissais mes poches de graines.
Il faisait bon rire et vivre avec lui,
A l’ombre du vieux pommier fleuri.

Reste au mur, un fer à cheval rouillé,
Clé du passé, témoin des souvenirs,
Près du banc, sous le vieux pommier,
J’ai vu boiter son ombre, au jardin ,
J’ai vu son ombre tailler les rosiers.


 

Danielle Catarelli
 


POUSSIÈRE D'OUBLI

Publié le par christiane loubier

  

Ce que j’ai vu, je l’ai écrit
comme la pluie sur les vitres
et les larmes des roses, et tout
ce que j’ai oublié demeure

là, dans ce grand sac de voyelles
posé contre le pied de la table
où le temps passe entre ma vie
et moi sans blesser personne.

Quand plus rien ne chante au-dehors
je puise dans le sac et sème
sur la page un peu de poussière
d’oubli et le jour paraît comme

un musicien qui tend son chapeau.

 

Guy Gofette
Petits riens pour jours absolus

                                       Guy Goffette © Jean-Luc Bertini

 

 

 

EMILY

Publié le par christiane loubier

Emily voit le ciel tourné sur lui-même
comme un couvercle de pot de confitures aux bleuets.
Le bleu coule le long de ses bras et sur sa poitrine,
jusque dans la petite boîte de son cœur
Plus tard, elle écrira des poèmes qu'elle cachera
entre les pages des jours comme des feuilles d'automne.

Elle ne va jamais au village mais elle porte la Terre
comme une robe de soirée.
Elle sait tout et tout la sait.

Patrice Desbiens

Source : http://lafreniere.over-blog.net/

AUX BRANCHES DE LA MORT

Publié le par christiane loubier

                         à Miche et Jean Tordeur
 
Mes amis, mes amours, la salle est si petite
Que nos coeurs suffiraient, ensemble, à la chauffer
Mais vive les flambeaux, l’âtre qui danse vite
Et tous ces chaleureux, les cuivres, les marmites,
Les épices, le rhum, le tabac, le café.
 
Dehors le plus grand gel de tout l’hiver s’orchestre.
Les fins archets de l’est et du septentrion
Célèbrent dans l’aigu la nuit de Saint-Sylvestre
Et la sévère terre à l’heure où nous rions
Tient plus fort que jamais les défunts sous séquestre.
 
Riez donc, chers vivants, brillez beaux hommes jeunes,
Femmes encore en fleur dans votre âge fruitier,
Partagez ardemment l’orange et l’amitié,
Un soir tout l’avenir sera que vous partiez
Observer sans retour le silence et le jeûne.
 
Vous ai-je bien traités ? Dans les sauces profondes
Qui doivent leurs saveurs aux quatre coins du monde,
Le grand vin susceptible et dévotement bu,
Dans le rôti concis, le gâteau qui redonde,
Avez-vous savouré l’esprit de ma tribu ?
 
Ah ! Chers civilisés, chères civilisées,
Procédons sous le gui à nos rites fervents
Tandis que sans raison, sans passion le vent
Vitriole de givre et de poussière usée
Les saintes des parvis, les maisons, les musées.
 
Qu’un vif brouillon de voix mélange nos passés,
Nos songes, nos démons, nos dieux, nos trépassés,
Le Brabant, l’Aquitaine et ma ville effrénée
Qui fait rieusement ses adieux à l’année
Entre Chartres muette et Versailles glacé.
 
Toi, croyant, qui nous vois flanqués d’anges en armes,
Vous que Goethe ou Stendhal mieux que la Bible charme,
Heurtez vos Gabriel, vos Faust et vos Sorel
Et bien enchevêtrés dans un riche vacarme
Brassons l’intemporel avec le temporel.
 
A tort et à travers, à bouche que veux-tu
Discutez, disputez, bien subtils et bien fauves,
Que sous le proclamé rayonne tout le tu
Et que dans vos regards, beaux couples bien vêtus,
Luisent furtivement vos beaux secrets d’alcôve,
 
Tandis que sans raison, sans plaisir, sans remords
La bise de toujours lamine les royaumes,
Malmène les oiseaux, les ramures, les dômes
Et ce chaud réveillon haut perché qui embaume,
Petite orange en fête aux branches de la mort.
 
 
 
Lucienne Desnoues
Les Ors - Ed. Seghers, 1966.
Poème mis en musique et chanté par Hélène Martin, sous le titre Mes amis, mes amours.
À écouter ici :
 
 

RETOUR

Publié le par christiane loubier

On ne dit pas le retour de l'enfant
Ni si Noël neigeait sur la soirée,
S'il lui sembla vers l'église éclairée,
Entendre un chant doucement triomphant,
[...]
On ne dit pas le retour de l'enfant;
Mais entends doucement quand tu y penses,
Dans ton enfance au ciel et le silence,
Comme un chant d'orgue doucement triomphant.
 
 
 
Marcel Thiry
Tous les grands ports ont des jardins zoologiques [Anthologie]

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