FUNÈBRE
Monsieur Miroir marchand d'habits
est mort
hier soir à Paris
Il fait nuit
Il
fait noir
Il fait nuit noire à Paris
Phillipe Soupault
Georgia Épitaphes Chansons
Déjà septembre. Les jours diminuent et nous avons l'impression
que quelque chose en nous grandit. Nous ne croyons pas que la
possibilité de connaître le poids des choses soit liée à la mesure des jours.
Jean Rivière
Le vent en
Bas-Poitou
La mort est un dialogue entre
L'esprit et la poussière
« Dissous-toi », dit la mort —
L'esprit « Madame j'ai une autre espérance » —
La mort en doute — reprend sa plaidoirie —
L'esprit lui tourne le dos
Laissant simplement pour preuve
Un manteau d'argile
Emily Dickinson
Lieu-dit l'éternité, traduit par Patrick Reumaux
Dans une quincaillerie de détail en province des hommes vont choisir des vis et des écrous et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux ou roidis ou rebelles. La large boutique s'emplit d'un air bleuté, dans son odeur de fer de jeunes femmes laissent fuir leur parfum corporel. Il suffit de toucher verrous et croix de grilles qu'on vend là virginales pour sentir le poids du monde inéluctable.
Ainsi la quincaillerie vogue vers l'éternel et vend à satiété les grands clous qui fulgurent.
Usage du Temps, Gallimard, 1943
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De sa génération, Follain a été le premier à écrire
Eugène Guillevic, dans Lire Follain, PUL, 1981 |
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À Claude Rivière
Je voudrais être une pierre D'un chemin abandonné, Une pierre bien usée Par d'anciens passages d'hommes, De chars alourdis de gerbes Et de troupeaux inclinés.
Je voudrais être une pierre Au sommet d'une colline, Une pierre ronde et bleue Au milieu des chênes nains. Le vent pousserait sur moi Les aiguilles des pins calmes, L'odeur de la mer prochaine Et sèche du romarin.
L'hiver, les pluies amicales Me laveraient doucement Et dans le chaud de l'été Un lézard furtif viendrait Reposer sur mon silence, Me donner l'essence pure D'un contact avec la vie Suffisant pour satisfaire Un obscur désir secret.
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Louis
Brauquier |
Louis Brauquier chez lui à Saint-Mitre les Remparts Source : http://www.louisbrauquier.com/ |
Je n’aurai pour tout dire
Écrit sur mon chemin
Que mon incertitude
La buée qui recouvrait la vitre
Mais jamais la fenêtre
Et jamais le chemin
Paul Vincensini
Extrait de C'était hier et c'est demain, Anthologie,
Éditions Seghers, « Poésie d’abord», 2004