HIVER, BEL HIVER

Publié le par christiane loubier

Hiver, bel hiver, beau berceau,
Toute la journée est éteinte,
La neige amassée au carreau
Est du bleu même des jacinthes,
Le temps passé n'a plus d'écho.
 
Dans l'alcôve ce bleu neigeux
Tend une écharpe de silence,
Et c'est le voile de nos jeux,
C'est le bain de nos préférences,
Et la lueur de nos aveux.
 
Sur la terrasse vont les pas
Des promeneurs d'un autre monde.
Notre univers est loin de là,
Le temps nous porte vers une onde
Où l'amour nous reconnaîtra.
 
À coeurs donnés, à coeurs donnants
La parole est une étrangère.
Comme l'oiseau passant au vent
Nos soupirs ont l'âme légère
Mais nos voeux sont plus exigeants.
 
De ses mains blanches le repos
Défend l'instant de toute crainte.
La neige amassée au carreau
Est du bleu même des jacinthes
En cet hiver, en ce berceau.
 
 
 
Louise de Vilmorin
Le sable du sablier, Gallimard (1943)

QUEL TEMPS FAIT-IL?

Publié le par christiane loubier

L’oiseau qui s’embellit
Solide entre les nuages
 
L’automne
Sous les plumes
Un peu de peine
En gouttes de temps
Contre la vitre
 
Feuilles mortes
Mots au vent
Retombant en givre paisible
Réveillés par la lampe
Les soirs d’hiver
 
 
 
Christiane Loubier

IL TOMBE DES PEAUX DE LIÈVRES

Publié le par christiane loubier

« Il tombe des peaux de lièvre » : expression québécoise utilisée lorsque les flocons de neige sont si
gros qu'ils ressemblent à des peaux de lièvre. La fourrure des lièvres est blanche en hiver.

LA PENTE

Publié le par christiane loubier

Tu vis à côté de moi, pareille à moi:
pierre
dans la joue effondrée de la nuit.
 
Ô cette pente, mon aimée,
où nous roulons sans faire de pauses,
nous les pierres
de rigole en rigole.
Plus rondes à chaque fois.
Plus semblables. Plus étrangères.
 
O cet œil ivre
qui comme nous erre ici tout autour,
et parfois, étonné,
nous vois confondus.
 
 
Paul Celan
(Paul Celan, "Die Halde" — "La Pente",
trad. Jean-Pierre Lefebvre. "Von Schwelle zu Schwelle", 1955).
Référence à ce poème sur la page Facebook de Michel Renaud
                  

  

 

BIEN APRÈS L'ÉTÉ

Publié le par christiane loubier

Rien au jardin
Pour entretenir la flamme
Sinon les brins de bruyère 
Qui brillent de blancheur
Dans la lumière de fin d’après midi
 
Dans la bibliothèque chargée d’écriture
Les vieux livres enflent
À cause de l’humidité
 
Dans le blanc des mots
Le grains de silence
Ne germent que l’hiver
 
 
Christiane Loubier